Extrait de la préface de MM. Claude Roch et Serge Sierro

Nos premiers pas dans le troisième millénaire sont orientés vers l'avenir et les défis scientifiques, techniques et humains qui nous attendent. Est-il dès lors paradoxal de jeter un regard sur le passé de notre canton et de souhaiter la publication d'un livre d'histoire ? Non, si un tel livre n'érige pas un monument à la gloire du passé et ne se contente pas d'énumérer des événements et des dates qui ont marqué les siècles antérieurs. L'histoire, pour être riche d'enseignements, doit être centrée sur les hommes. Et ils devraient être tous là : les chasseurs paléolithiques, les patriotes, les soldats révolutionnaires, les industriels, les hôteliers, mais aussi les tisserandes, les cristalliers, les mères de famille, les ouvriers, les agriculteurs : toute cette foule anonyme des Valaisannes et des Valaisans qui ont construit, façonné et animé ce pays. Habitants de la vallée du Rhône, ils ont longtemps souffert de l'a priori qui fait des montagnes une forteresse, une barrière infranchissable. Les historiens, pour leur part, savent depuis longtemps qu'il n'en est rien. Ils le montrent : le Valais est aussi une société de colporteurs. Dès les origines, elle est construite autour d'incessants voyages entre la plaine et la montagne, entre le lac et le glacier ; elle construit des ponts, trouve des passages, des sentes qui mènent de l'autre côté, vers d'autres gens, vers d'autres modes de faire et de vivre. Les passeurs de cols ont veillé à la circulation des idées et des techniques, ils ont transporté tant les dernières nouvelles que les colifichets à la mode.

L'histoire du Valais est intimement liée à celle de ses voisins, dans le cadre alpin, mais aussi dans celui des frontières et des alliances politiques. De la même manière, les générations ont transmis la mémoire des événements passés ainsi que le souvenir des hommes qui les ont précédées. L'Histoire du Valais comble un manque certain. Ouvrage reposant sur une solide base scientifique, il ne s'adresse pas qu'aux étudiants et aux chercheurs. Il est une réflexion sur le passé, un enrichissement de notre compréhension du présent et une orientation pour notre avenir. Il dessine des passerelles entre les générations et, d'une rive à l'autre, d'une vallée à l'autre, nous redit que citadins ou campagnards, habitants du Haut ou du Bas, d'une vallée ou de la plaine, les Valaisans ont partagé, au-delà des divergences parfois profondes, un passé commun, une histoire en construction.

Extrait de l'avant propos de M. Jean-Henry Papilloud, président de la SHVR.

Situé au centre de l'arc alpin, le Valais est une entité géographique relativement bien délimitée par les chaînes des Alpes bernoises et valaisannes. Cette position n'est pas sans influence sur l'histoire des générations d'hommes et de femmes qui s'y sont installés et y ont vécu, même si les destins individuels et collectifs ne s'accomplissent jamais en vase clos.

Depuis le début des années 1990, la nécessité de mettre en chantier une histoire du Valais est dans l'air. Trois raisons principales expliquent cette attente. La première est liée à l'état des recherches. Des fouilles sur le terrain au dépouillement des archives, l'élargissement des connaissances a progressé de manière spectaculaire et, dans les différentes périodes, des études particulières ont renouvelé l'idée qu'on se faisait du passé du canton. Par ailleurs, des questions ont surgi qui ont permis à une nouvelle génération d'historiennes et d'historiens d'aborder, loin des événements et des faits d'armes, des aspects que leurs devanciers auraient jugés sans intérêt, voire incongrus. Enfin, à côté de sa fonction évidente de synthèse des connaissances, une histoire générale est souhaitée pour donner un cadre aux recherches et stimuler les interrogations sur des faits et des thèmes qui ne bénéficient pas encore de l'attention qu'ils méritent.

L'histoire d'un pays ne se construit pas en juxtaposant des études disparates, comme on enfile les perles d'un collier. Elle a besoin d'un vrai fil conducteur, d'une approche, d'un regard porté sur l'enchaînement des faits et des situations. Dans cette perspective, l'Histoire du Valais ne pouvait être qu'une réalisation collective, le résultat d'un travail à plusieurs mains. Lancée par Pierre Dubuis, l'idée a été reprise au bond par des chercheurs qui, au-delà des différences de technique et d'intérêt, ont une conception assez proche de l'histoire et de sa finalité. D'emblée, l'entreprise a reçu le soutien inconditionnel du Département de l'éducation, de la culture et du sport, qui a convaincu le Conseil d'Etat du bien-fondé de la démarche et en a confié le suivi à M. Gilbert Fournier, délégué aux questions universitaires. De fil en aiguille, le cercle des personnes et des institutions qui ont accepté de mettre des moyens et des savoirs à la disposition de l'oeuvre s'est élargi. A côté des aides ponctuelle s des services culturels de l'Etat et de l'Office de recherche et de documentation pédagogiques, l'apport décisif de la Médiathèque Valais et du comité de la Société d'histoire du Valais romand a permis d'étoffer le projet initial et de lui donner une forme à la hauteur de son ambition rédactionnelle.

Première dans son genre en langue française, cette Histoire du Valais a le mérite de proposer un état de la question et de tenter une synthèse originale qui englobe toute l'histoire du canton, des origines à nos jours. Ce n'est donc pas sans fierté que la Société d'histoire du Valais romand la présente dans un double numéro de ses Annales valaisannes 2000-2001 et marque ainsi, à sa manière, l'entrée dans un nouveau millénaire, sinon dans une nouvelle époque